Pourquoi manger végé ?
Consommation de poisson et autres animaux aquatiques : menace pour les écosystèmes marins et le climat
Quand on discute des conséquences écologiques de la consommation de protéines animales, les poissons sont trop souvent oubliés. Si la viande est à juste titre pointée du doigt pour ses effets néfastes, la consommation de poissons et d’autres animaux aquatiques, en constante augmentation depuis plusieurs décennies, a un impact tout aussi dramatique sur les écosystèmes marins et le climat.

SOMMAIRE
La consommation de poissons ne cesse d’augmenter
La consommation de poissons connaît une forte hausse à l’échelle mondiale : elle a été multipliée par cinq depuis 1960. En France aussi la tendance est à l’augmentation : la consommation moyenne par habitant d’animaux marins a doublé en cinquante ans pour atteindre environ 35 kg par an1. Une des raisons tient à l’idée que le poisson serait une alternative saine et durable à la viande, mais la réalité est bien plus complexe.
Pêche : une menace écologique majeure
La première menace sur les écosystèmes marins provient du trop grand nombre d’individus prélevés. À ce titre, la pêche industrielle comme la pêche dite artisanale contribuent toutes deux à la disparition des animaux marins. Environ 80 millions de tonnes d’animaux aquatiques ont été pêchées en 20202. Environ, car les données sont lacunaires, notamment concernant la pêche dite « artisanale » qui concernerait la moitié des prises.
Pêche industrielle : des pratiques destructrices pour les écosystèmes et les fonds marins
La pêche industrielle correspond aux navires de plus de 24 mètres et aux flottilles utilisant le chalut de fond. Cette méthode est dénoncée depuis de nombreuses années car elle racle littéralement les fonds marins sur une profondeur allant jusqu’à 16 cm, détruisant ainsi des habitats et des écosystèmes sous-marins à la régénération lente. Un rapport commandé par l’association Bloom montre que sur la façade Atlantique, la pêche industrielle a un effet majeur sur les fonds marins, les captures de juvéniles et la surexploitation des espèces pêchées.
Captures accidentelles
Selon ce même rapport, les bateaux de pêche de plus petite taille utilisant les arts dormants – qui piègent les poissons de manière passive – « ont une empreinte importante en matière de captures accidentelles d’espèces sensibles (oiseaux et mammifères marins) »3. À tel point que ces prises accessoires constituent environ 40 % de la pêche mondiale et qu’en mars 2023, le Conseil d’État ordonnait au gouvernement de fermer temporairement des zones de pêche du golfe de Gascogne pour limiter le nombre de décès de dauphins communs, grands dauphins et marsouins communs, victimes de captures accidentelles.
Pollution plastique
Pas moins de 150 millions de tonnes de plastique se trouveraient actuellement dans les océans, exposant les animaux à de nombreux produits chimiques, dégradant leurs habitats, lorsque l’ingestion de morceaux de plastique ne les tue pas directement. La pêche est en partie responsable de cela, car plus du quart des déchets plastiques proviennent du matériel de pêche perdu ou abandonné en mer4. Ces engins fantômes sont particulièrement mortels pour les animaux marins qui s’y retrouvent piégés.
L’océan se vide
Face à ces pressions sur les écosystèmes marins, certaines populations s’effondrent. Une étude a estimé la chute vertigineuse de biomasse en Mer du Nord de 97,4 % pour les poissons pesant entre 4 et 16 kilogrammes et 99,2% pour les poissons pesant entre 16 et 66 kilogrammes par rapport à l’ère préindustrielle5.
Des labels trompeurs
Les consommateurs peuvent être tentés de choisir du poisson labellisé pêche durable ou artisanale. Mais attention : il peut s’agir de labels “autoproclamés”, créés par les marques elles-mêmes et sans que les cahiers des charges soient accessibles. Et même lorsque c’est le cas, la méfiance est de rigueur. L’association Bloom a analysé le label MSC pêche durable, le plus répandu : elle le qualifie “d’imposture”, car les méthodes de pêche les plus destructrices ont fourni 83% des volumes certifiés MSC entre 2009 et 2017.
Une empreinte carbone qui ne doit pas être oubliée
La consommation de carburant des bateaux de pêche s’élève à pas moins de 40 milliards de litres de carburant, soit plus d’un demi-litre de carburant par kilo de poisson ou d’invertébrés pêché7. Et, signe inquiétant, la consommation de carburant pour la même quantité de poissons pêchée a augmenté de plus de 20% en deux décennies. À cela s’ajoute, entre autres, la consommation d’électricité des équipements de réfrigération et de congélation, tant sur les navires de pêche commerciale que tout au long de la chaîne de transport et de distribution des produits de la mer vers les marchés mondiaux. Le chalutage de fond, en plus de détruire des écosystèmes, libère dans l’océan une partie du carbone qui y a sédimenté depuis des millénaires : ceci augmente l’acidité des océans et diminue sa capacité à absorber le carbone, d’une part, mais contribue aussi directement au réchauffement climatique car plus de la moitié de ce CO2 est ensuite libérée dans l’atmosphère8. La somme de ces différentes sources d’émissions conduit à une empreinte carbone significativement plus élevée que les alternatives végétales pour tous les produits de la mer à l’exception des algues et bivalves.
Poissons d’élevage : une fausse solution non durable à la croissance inquiétante
L’aquaculture n’est pas plus vertueuse, d’autant que les volumes qu’elle produit augmentent exponentiellement (multipliés par 60 depuis 1960 !) représentant aujourd’hui plus de 50 % des poissons consommés dans le monde. L’empreinte carbone de cette production n’est guère meilleure que celle de la pêche. Plus de la moitié de ses émissions provient de la production et du transport des aliments, principalement constitués de poissons pêchés ou de soja. Malgré sa promesse d’alléger la pression sur les espèces surexploitées, l’aquaculture l’augmente, au contraire. Il faut ainsi jusqu’à cinq kilos de poissons sauvages pour produire un kilo de saumon, l’une des espèces les plus prisées dans les pays développés.
Réduire la consommation et adopter des mesures politiques
Réduire drastiquement la pêche comme l’aquaculture, et donc adopter une alimentation moins dépendante des produits de la mer, est essentiel pour garantir la préservation des écosystèmes marins et limiter le réchauffement climatique. Des mesures politiques sont également nécessaires pour protéger les écosystèmes marins. Les aires marines réellement protégées pourraient être une partie de la solution, mais les pires pratiques de pêche y ont encore lieu à l’heure actuelle9. Alors que la Grèce et le Royaume-Uni montrent l’exemple en y renforçant la protection, la France fait tout, au contraire, pour satisfaire les pêcheurs et laisser perdurer le chalutage de fond10.